Du 10 au 20 juillet, 1.351 miles |
Jacques et Bernard montent à bord le 7 juillet. Leur avion a
pris beaucoup de retard, il est 1:30 du matin, et nous commençons par goûter la
bouteille de whisky qu’ils ont apporté dans leur valise. Un talisker légèrement
tourbé. Nous en prendrons deux (peut-être trois) verres avant d’aller dormir. L’ambiance
change !
Trois Frères de la Côte et un guidon de Commodore ... |
Après notre réveil, nous aurons une journée tranquille. Dominique nous
quitte le soir pour rejoindre la Belgique et c’est à partir du 8 que nous
commençons les préparatifs. Ils dureront deux jours.
Briefing sécurité, vérification du bateau et du gréement,
pleins de fuel et d’eau, et surtout les vivres.
Patrick que nous avions rencontré aux Canaries nous indique
l’adresse du marché et nous passons une bonne partie de la journée à entasser
des dizaines de kilos de légumes, de conserves, de fruits et de boissons dans le bateau.
La météo est assez bizarre avec une succession de fronts
chauds et froids qui passent sur les Açores. Cela apporte du vent de sud-ouest
et idéalement nous aurions dû partir le 7. L’anticyclone s’étend des Açores
jusqu’en Angleterre. Nous savons déjà que les premiers jours seront très
calmes.
Nous quittons Ponta Delgada le 10 juillet à 11 heures. Le
routage Grib réalisé avec QVTLM nous propose de contourner l’île par l’Est,
mais à la sortie du port, nous constatons qu’il n’y a pas de vent et nous
décidons d’aller au moteur vers l’ouest. Ensuite nous découvrons avec
étonnement un vent de sud-ouest de 10 à 15 nœuds dont nous profitons plusieurs
heures sous grand-voile et génois tangonné.
Première surprise, vers 20h, les batteries sont à 11,6
V. L’ampèremètre quant à lui, semble ne
pas fonctionner… Rontudjuuu !
Heureusement, Jacques est professionnel de l’électronique et
le capitaine garde la certitude qu’il va arranger tout cela. Et, après analyse,
ce sont les batteries de services qui ne tiennent plus la charge et qui
parviennent encore à nous offrir 20 A avant d’être déchargées. Le capitaine ne
comprend pas, il n’a rien vu venir et les batteries ont, tout juste, quatre
ans. La solution a été vite trouvée, intervertir les batteries services et les
batteries moteur.
Extrait du livre de bord, dessins Bernard |
Nous avons la chance d’être routés par Michel, un membre du
Bruxelles Royal Yacht Club, qui est chargé des cours de météo à l’école de
navigation. Il a la polaire du bateau, fait tous les calculs de route à partir
des fichiers gribs et vérifie surtout s’il n’y a pas une méchante dépression
qui se forme et pourrait nous embêter.
Les échanges de mails par iridium sont fort semblables : 'peu de vent aujourd’hui, vous pourriez en trouver un peu plus
au nord, mais vous risquez d’arriver trop tard. Courage et patience'.
Et la routine s’installe. Bernard a découvert la casserole à
pression et nous prépare des repas délicieux avec tous les légumes que nous
avons emportés.
Bernard, expérimenté, cuisinier et dessinateur |
Pour le premier jour ce sera un steak, le deuxième un osso-buco, puis un couscous et ensuite nous profiterons des saucisses emballées sous vide et des boîtes de conserve. Nous avons aussi des dizaines d’œufs et du lard fumé et nous prenons l’habitude d’un english breakfast tous les matins, lorsque tout l’équipage réveillé.
Rêves d'Angleterre... |
La vaisselle se fait à l’eau de mer et notre ami Bernard qui a déjà une expérience traversée de l’Atlantique met juste la quantité d’eau de mer nécessaire dans la casserole à pression pour saler nos aliments. Au total nous avons consommé 70 l d’eau douce, malgré nos réservoirs de 360 l. (Nous ne nous sommes pas beaucoup lavés non plus).
Nous ne commencerons à pêcher le cinquième jour et dès le
lendemain un thon de 5 kg nous permettra de préparer deux délicieux repas. Extrait du livre de bord:
Le confort à bord est excellent et chacun dort tranquillement
dans sa couchette, sans toile à roulis, même dans la cabine avant. Les repas se
prennent confortablement sur la table du cockpit. Nous rencontrerons une longue
houle et seule une fois nous aurons des petites vagues désagréables provenant
du vent soufflant au Cap Finisterre.
Pour les quarts, ce sera très simple ; le premier
commence son quart à 21 heures, le deuxième suit à minuit et le troisième à
trois heures du matin. Durant la journée pas de quarts, tout le monde est réveillé et nous passons
les journées ensemble avec ici et là une petite sieste pour celui qui le
souhaite. Et tous les soirs nous reprenons les quarts en inversant les tours.
En ce qui concerne la route, nous réglons les voiles en
permanence pour pouvoir profiter de la moindre risée et nous mettons le moteur
dès que l’on passe en dessous de trois nœuds. Nous constatons que notre vitesse,
dans ces petits vents, est inférieure à la polaire parce que la houle fait
rouler le bateau et dévente les voiles. Nous
aurons la chance de profiter du spi pendant deux jours et demi. Le capitaine a un
peu perdu l’habitude de le mettre, inutilisé trois ans dans les îles de
l’Atlantique et il commencera par le mettre à l’envers… Que celui qui connait et retient la différence entre clew et tack lui jette la première pierre...
Oui, drôle de coupe, il est à l'envers |
Au bout de quelques jours le PC de bord ne charge plus… il
nous sera encore possible de télécharger un dernier fichier grib et les
batteries seront plates. Il nous annonce des vents contraires et le routage
nous propose de tirer un bord vers La Corogne où nous allons rencontrer des
vents de plus en plus forts, avant de revirer vers les Scilly. Mais plusieurs
échanges de sms iridium avec Michel nous font opter pour une route vers le nord
où nous allons rencontrer des calmes, mais avec une grande probabilité de vent
portant dans les jours qui suivent. De plus cette route est plus directe et
elle nous épargne l’impression de faire demi-tour vers le nord de l’Espagne et de
subir un près serré dans des vents de 20 à 30 nœuds.
Cependant, notre progression vers le nord nous laisse dans
la dorsale de l’anticyclone des Açores et Michel nous dira que l’anticyclone se
déplaçait avec nous, nous laissant dans de faibles vents contraires. Nous
allons donc naviguer au près, dans des vents de 3 à 4 nœuds, toutes
voiles dehors, en créant un vent apparent grâce au moteur à 1.200 tours.
Ensuite, un sms de Michel nous dira : ‘journée
difficile aujourd’hui, vents dans le nez très faibles’. Dure
journée, il nous reste un bon bout de chemin, on avance quasi pas, le diesel
diminue (au total nous aurons consommé
180 litres sur 250), il pleut et on ne voit pas loin. Mais le temps
change vite, la brume va se lever et nous découvrirons même un petit rayon de
soleil.
Le dernier jour, nouveaux sms de Michel : ‘brume,
pluie, mais patience, vent portant de 15 à 20 nœuds’. Le sms de réponse était
simple :’ la brume et la pluie sont déjà là, mais on a toujours un vent contraire’.
Et il avait raison, vers 22 heures le vent a commencé à
souffler 5 à 6 bf et nous avons pu foncer, au portant, à sept, huit nœuds vers
les Scilly.
En longeant les îles, au petit matin, l’équipage décide de
profiter du vent et de continuer sa route vers Plymouth où nous pourrons
laisser le bateau et rentrer à Bruxelles. Mais nous aurons la chance de voir le
vent diminuer nous obligeant à prendre une bouée dans la baie Raveen juste en
face de St Mary. Nous y passerons une superbe journée à redécouvrir la terre
ferme, à visiter la ville et à profiter de ses restaurants et de ses pubs.
Mais des épouses s'impatientent... Le 21 juillet, date de la fête nationale belge,
nous lâchons le mouillage à 11 heures et profitons du courant et d’un bon vent
sud de 15 nœuds pour rallier Plymouth où nous arrivons le lendemain matin à six
heures. Tous l’ équipage a bien conscience de vivre les derniers moments de
cette croisière et personne ne souhaite aller dormir.
Nous allons rester éveillés quasi toute la nuit, ensemble dans le cockpit, pour profiter de ces derniers
moments.
Il faut dire que le temps est magnifique, le ciel dégagé et que nous profitons
d’une pleine lune.
Il ne nous restera plus qu’à nettoyer le bateau et prendre le train vers Bruxelles.
La traversée des Acores aux Scilly aura donc pris 10 jours
pour 1.351 miles.
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