vendredi 20 septembre 2013

En route pour Madère



Sothis nous attend depuis un mois à Cadix, nous attendons la fin de la période des examens universitaires. Les deux fils ont accepté la proposition de faire cette traversée à trois après la session. Je l’imagine, pour eux, comme une initiation à la haute mer avec tout ce que cela entraîne, soumission aux éléments, connexions à l’univers, longs quarts de nuits propices à la méditation, … Je me souviens encore d’avoir reçu le même cadeau de mon père, il y a 37 ans en navigant à deux, 10 jours depuis Tenerife vers Tanger.

Aujourd’hui, autre époque, il s’agit, pour eux, d’une activité parmi des dizaines d’autres.

Dîner très tôt à Cadix: nous partons demain matin

Septembre est le mois idéal pour faire cette traversée et nous arrivons le 4, au bateau pour commencer la préparation. Il est en parfait état, mais nous en profitons pour vérifier le gréement, le moteur, faire les pleins d’eau, de diesel et de vivre. Les guides indiquent qu’il est très difficile de trouver les bouteilles de gaz à Madère et aux Canaries. C’est pourtant une des premières choses que nous y découvrirons et au bout du compte il est surtout difficile d’en trouver à Cadix. Après une recherche laborieuse, nous aurons du succès tout au bout de la ville. Heureusement que nous avons un vélo à bord.

Le deuxième matin, juste après le petit déjeuner, nous voyons rentrer un autre Bavaria 42 Cruiser dans le port. Hasard extraordinaire, il s’agit de Dartag qui vient de Méditerranée. J’avais à l’époque correspondu avec son skipper, Alain qui m’avait longuement donné son avis sur ce type de Bavaria ainsi que des indications nécessaires à l’achat du bateau.



Nous passerons une soirée à nous raconter nos croisières et nos rêves de navigation. Alain a le projet de faire le tour de l’Atlantique et il part également, en solitaire, pour Madère. Il a cependant décidé de laisser passer quelques jours avant de faire cette traversée.

Et le lendemain matin, juste au lever de soleil, c’est le grand départ. Nous sommes bien secoués par une mer assez forte et un vent de SW qui nous oblige à longer la côte au près. La météo nous annonce cependant que le vent devrait passer au NW au cours de la nuit lorsque nous serons plus proches du Cap Saint-Vincent. Nous avançons à six, sept nœuds mais nous ne progressons pas du tout vers Madère. 



Heureusement, comme prévu, le vent va tomber dans la soirée et après quelques heures de navigation au moteur et dans la bonne direction, nous contactons ce bon vent de NW qui va souffler pendant toute la traversée entre 14 et 35 nœuds vrais. Les 28 à 33 nœuds vont durer 36 heures avec une houle de 2,50 m. Pendant tout ce temps, soucieux de la sécurité, de la préservation du matériel et du confort, je réduis très fortement la voilure, mais nous continuons à progresser à plus de 7 noeuds.

Gv à 4 ris et GL bien roulé

Excellente ambiance à bord avec le fils aîné qui semble totalement insensible au mal de mer et qui parvient à cuisiner dans tous les types de temps. C’est loin d’être mon cas, et l’expérience se confirme : il me faut deux jours pour m’amariner. L’esprit humain a tendance à se rappeler les bons moments et à gommer les difficultés, mais cette fois j’ai noté mes impressions dans le livre de bord vers la fin de la première nuit. Je vous les livre : ‘dure journée, le bateau roule, secoués, inconfortable, pas chaud, plus ou moins le mal de mer. Tout demande un très grand effort : ras le bol, ce n’est pas gai du tout! .
La suite est déjà plus positive : ‘Cédric a fait le dîner, moi j’ai fait la vaisselle. En même temps, on prend une bonite à la ligne de traîne’.


Elle sera mangée le lendemain, par un équipage mieux amariné, accompagnée d’une ratatouille de légumes et de pommes de terre.



Au bout de la deuxième nuit, début de mutinerie à bord : les quarts de nuits de trois heures sont longs (ben oui, on s’ennuie, pas de TV, pas de smartphones, pas de PlayStation, pas de PC, pas Facebook, pas de WIFI, pas de sorties, …) , il n’y a pas de lune, il n’y a rien à voir et les équipiers ont l’impression de veiller pour rien. Nous verrons en tout deux bateaux passer loin de nous au cours des trois jours et demi de navigation.

Comme le deuxième jour a été nuageux, les panneaux solaires ont été moins productifs et nous constatons le matin du troisième jour, un déficit de 120 ampères. Cela veut dire qu’avec les deux frigos, le pilote automatique et toute l’électronique allumée notre déficit moyen est d’environ 40 A par jour. 1h30 de moteur et tout est réglé avec de l’eau chaude en prime.

Nous constatons ce même troisième jour des traînées d’eau sur le plancher. Un examen plus attentif montre que de l’eau arrive des fonds à la gîte. Ouverture des trappes de visite et rontudjuuuuu, constatation qu’il y a des dizaines de litres dans les fonds. En réfléchissant déjà aux procédures d’urgence et de survie, je me précipite sur toutes les vannes, moteur, toilettes, éviers tout en demandant à Cédric de goûter l’eau : on se calme, elle n’est pas salée.
Nous aurons l’explication en réveillant Adrien : il a au cours de la nuit, ouvert le petit robinet pour prendre de l’eau et il s’est rendu compte, plus tard, qu’il avait oublié de le refermer. Mais il a bien tout nettoyé…. !
Prudence cependant, la leçon est bonne, je n’aimerais pas au cours d’une plus longue traversée reperdre  50 à 100 l d’eau potable dans les fonds et devoir rationner sévèrement l’équipage. Belle sécurité aussi d’avoir deux réservoirs.



La routine s’installe. Le temps passe agréablement et vers le troisième jour le vent et la mer se calment. Il commence à refaire plus chaud. Parfaitement accoutumés au bateau, aux quarts et à la navigation, nous sommes dans cet état de grâce qui pourrait durer très longtemps : nous nous sentons bien.

Cependant, on arrive : la terre est en vue et vers 19 h30 les connexions GSM s’établissent et nous pouvons prévenir le reste de la famille que tout va bien à bord. Au même moment nous recevons un message d’Alain de Dartag qui nous dit qu’il est arrivé à Porto Santo et qui nous demande si nous sommes dans la marina. Étonnement à bord : il nous faut relire le message une deuxième fois. Mais comment cela est-il possible ? Nous l’avons laissé dans le port de Cadix et il nous précède de 3 h à l’arrivée et il navigue seul ! L’équipage commence à douter du capitaine…

Le port de Porto Santo sous une averse

Nous jetons l’ancre devant le port vers minuit et nous aurons l’explication d’Alain le lendemain dans la marina : il est parti une heure après nous et a profité du bon vent pour battre son record de milles parcourus en 24 heures : 198. Vu comme cela, tout s’explique et nous devisons sur mon principe de précaution de soulager le voilier en traversée en limitant sa vitesse aux environs de sept nœuds.

Si vous souhaitez découvrir le récit de la traversée sur le blog d’Alain de Dartag : http://dartag.heoblog.com/index.php?post/2013/09/11/Le-Grand-Large

Porto Santo est une très belle île, avec peu de végétation. Cela vaut la peine de la visiter. La petite ville est sympathique et offre tout ce qu’un marin peut souhaiter, restaurants, supermercado, transports, etc.



Le port est géré par Nelson et son efficace secrétaire et ils offrent tous deux un service parfait en français.
Les prix sont assez chers : avec la réduction de 40% faire aux membres du club STW on arrive à un prix acceptable, de 22€ la nuit pour Sothis. (Mais 37€ à Quinta do Lorde sur Madère, gérée par la même société qui a donc un quasi-monopole sur l’archipel).

Septembre est la pleine saison de navigation et de nombreux bateaux y font escale. Deux profils types : les familles jeunes avec enfants sur des bateaux plus vieux mais bien équipés et des couples de pensionnés avec souvent des voiliers plus récents et parmi lesquels on compte les plus beaux voiliers. Taille moyenne, aux environs de 13 mètres.

L’ambiance est différente du continent, chacun a conscience d’avoir fait un premier passage et communique facilement avec tous les autres membres de cette nouvelle communauté. Des amitiés se créent, ainsi ces trois voiliers belges dont tous les enfants se mélangeaient au port, sur les plages et dans les bateaux et qui se connaissaient très bien depuis La Corogne. 


À Porto Santo commence aussi la coutume de laisser son empreinte sur le mur du port.

Les vacances se terminent pour Adrien et une courte traversée de 30 miles nous amène
à Quinta do Lorde. Nous louons une voiture pour le déposer à l’aéroport et découvrir l’île en partie avec Alain de Dartag.


Puis après trois jours, retour à Porto Santo où Sothis va nous attendre un mois.