vendredi 31 mai 2013

De Bruxelles à La Corogne : 1000 miles en 13 jours


Quelques bons passages de dépressions pendant la préparation du bateau début mai avaient fait monter l’inquiétude : comment respecter le planning et rejoindre la Corogne en deux semaines avec ce chapelet de dépressions et ces vents forts de sud-ouest ? Ces 1000 miles n’étaient-ils pas trop ambitieux ?
J’avais fini par me résigner à accepter de laisser le bateau à Brest si la météo devait être trop contraire.







   

Le canal et l’Escaut
En tenant compte des courants de marée dans l’Escaut, la date de départ est fixée au 15 mai. Mais le bateau est loin d’être prêt, le gréement courant retiré pour l'hiver n’est pas replacé et trois mois de vivre et de bagages s’entassent dans le carré et les trois cabines. Heureusement que dans le canal la mer est souvent calme ! 

Le passage de l’Escaut le deuxième jour s’est fait principalement au moteur, sous la pluie et avec une température automnale de moins de 10°.


Breskens – Ostende - Dunkerque
Un bon petit vent du Nord nous a permis de rejoindre Ostende, à la voile mais sous la pluie, dès le troisième jour. J'y embarque Dominique M. et Paul S. qui m’accompagnent pour ce convoyage.
Nous n'allons pas démarrer trop vite pour leur laisser le temps de s’amariner. L’étape suivante est donc  Dunkerque que nous rejoignons par petit temps sous le soleil.


Adieu aux terriens


























Dominique et Paul


  

Dunkerque – Cherbourg à 7,2 noeuds
Cherbourg est à  210 miles et les heures de marée qui nous sont favorables chaque matin depuis Bruxelles nous permettent un départ à 10h30. La météo est bonne et l’analyse des fichiers GRIB nous indique que nous aurons d'abord un vent du nord est forcissant et s’orientant vers l’ouest dans le courant de la nuit. Nous décidons donc de rester au large en longeant le rail des cargos et nous visons bien plus au nord que la route directe. Vers quatre heures du matin, le vent refuse avec le passage d’un front et nous offre des rafales à 35 nœuds. Comme l’allure devient du près assez serré avec 30 nœuds constant, nous hissons la trinquette pour arriver à 15h30 à Cherbourg réalisant ainsi une moyenne de 7,25 nœuds. Cela nous a permis de tester la nouvelle toile antiroulis placée dans le carré. Super !


Vers le cap Gris Nez à 7,5 noeuds





  

Cherbourg – Camaret : agressés par un dauphin ?!
Après un restaurant et une bonne nuit, départ à 6:30 heures précises pour passer le Ras Blanchart. Le vent de nord-ouest nous permet d’avancer très vite et de faire une pause bien arrosée le midi au Havre Gosselin sur l’île de Sark. Le temps est couvert mais nous profitons une nouvelle fois de la beauté impressionnante de ce lieu. L’île est couverte de genets.



Sark le Havre Gosselin



  
Nous repartons à 16h30 pour Camaret. Le vent nous sera à nouveau favorable en soufflant du Nord Nord-Ouest entre 15 et 20 nœuds et nous arrivons au petit matin dans le chenal du Four. 

Le vent est tombé, le courant est contraire et nous avançons au moteur. De nombreux dauphins tournent autour du bateau. À un moment des chocs répétés commencent à ébranler tout le voilier. Nous découvrons rapidement qu’il s’agit d’un dauphin qui tape sur l’avant du bateau avec sa queue. Dominique part à l’avant et l’observe taper pendant plus d’une minute. Y a-t-il un message ? Après vérification notre route est correcte et ne sachant que faire, je réduis le régime du moteur ; le dauphin arrête de taper. Nous n’avions jamais entendu parler d’un comportement pareil.



Camaret






  


Préparation à la traversée du Gascogne
Les deux jours suivants, nous subissons le passage d’une dépression avec des vents entre 25 et 30 nœuds. Pourtant, le soir du deuxième jour, les fichiers GIB et les météos nous annoncent le renforcement d’un anticyclone et une fenêtre de temps calme de deux jours et demi.  Une analyse plus précise avec le logiciel de routage qVlm nous indique que le passage doit être possible avant une nouvelle dépression et un vent du sud-ouest force six sur la Corogne. Ce passage devrait se faire essentiellement au moteur avec très peu de vent. Nous préférons un passage avec du vent, mais la fenêtre favorable suivante n'est prévue une semaine plus tard. Un tien vaut mieux que deux tu l'auras...

Nous contactons un routeur de météo consult qui nous confirme nos informations. À la question de savoir quel est le risque, la réponse est que la dépression prévue pourrait arriver un peu plus tôt que prévu et nous apporter des vents forts et contraires avant la Corogne. Il ne faut donc pas traîner. C’est donc décidé, on y va demain matin. Pourtant, le vent souffle encore à 7 bf sur Camaret.


Le Gascogne
Et à nouveau tout va se passer exactement comme les fichiers météo nous l’avaient annoncé. Je reste impressionné de la précision des tendances et des directions de vent annoncée par les fichiers GRIB. La force des vents est moins précise. Il suffit de savoir que les vents faibles seront encore plus faibles et que les vents forts seront simplement plus forts.

Nous allons passer le Gascogne en 57 heures dont 50 au moteur souvent accompagné de la grand-voile ou des deux voiles nous permettant d’augmenter la vitesse d’un nœud. Après le passage de la bouée du bout de la chaussée de Sein nous verrons encore quelques cargos et puis plus rien pendant deux jours. Les dauphins vont nous accompagner sur la quasi-totalité du trajet. Une houle de direction variable rendra le passage peu confortable, mais est-ce que cela ne fait pas partie du contrat ?

Et dans le petit matin du troisième jour nous découvrirons les montagnes du nord de l’Espagne dans un vent refusant et commençant à souffler du sud-ouest force quatre. Nous profitons d’un dernier louvoyage de quelques heures le long de la côte espagnole et nous arrivons dans la marina à 16 heures. Vitesse moyenne 7  nœuds et des poussières pour faire ces 403 miles.






  

La Corogne
On ne peut pas dire qu’il y ait affluence dans la marina de la Corogne, mais tous les voiliers présents sont des voiliers qui naviguent loin. Ainsi un Santorin arrivant de la Rochelle et continuant vers les Açores ; un Pogo 40 venant de Méditerranée et continuant vers la Rochelle ; un autre voilier français de 10 m arrivant après trois semaines de navigation depuis les Canaries,… Nous voici dans un autre monde, le monde de la croisière hauturière. 

La ville est accueillante et offre toute les possibilités de fournitures. 
Cependant la dépression annoncée nous a rapidement apporté de la pluie, une température de 13° et une houle de 5 m dont les effets se faisaient nettement sentir dans la marina. Mais avec quatre amortisseurs en caoutchouc et en doublant les amarres nous pensons que le bateau est en parfaite sécurité pour cet arrêt d’un mois.