lundi 28 mai 2012

Et si on allait prendre une bière à Pin Mill ?


Nous l'avions planifié, Paul S. et moi il y a quelques semaines lors d'un de ces dîners où l'on refait le monde au restaurant du BRYC : Et si on faisait un aller-retour rapide vers Harwich pour prendre une bière à Pin Mill ? Et nous avions bloqué deux jours dans notre agenda.

Deux semaines avant le départ nous observions la météo : NE 7 à 8 ; bon, tant pis, on n'y va pas. Quelques jours plus tard : Étalement de l'anticyclone et force quatre; voilà qui est mieux. Et pour finir quelques heures avant le départ : ENE quatre à six refusant pour le retour vers l'Est.

Il reste à tracer la route. Il y a encore 15 ans, c'était simple; il suffisait de tracer une ligne droite de la côte belge vers l'entrée de la rivière en prenant soin de traverser le rail perpendiculairement. Une petite correction de cap pour tenir compte de l'influence des courants et tout était joué.

Mais depuis 1997 un nouveau système de séparation du trafic (Sunk) s'est installé dans l'estuaire de la Tamise qui rend les choses beaucoup plus compliquées. Ce système comporte trois entrées sous forme de TSS (Traffic Separation Scheme) et une autre moins formelle qui permet au bateau venant de Harwich et de Londres de rentrer dans le système. Au centre, un grand rond-point de type sens giratoire qui permet au cargos de tourner jusqu'à ce qu'ils prennent la direction de la sortie. Inutile de dire que ce système de séparation de trafic est à éviter formellement et une écoute du  canal 16 indique que les contrevenants se font rapidement remettre à l'ordre.
Pour corser les choses, ce système est entouré de zones réservées à des champs d’éoliennes qui sont implémentées tellement vite que nos cartes de 2011 ne sont plus à jour.
Et bien sûr, ce système de séparation oblige les plus petits navires à emprunter des routes qui passent juste à côté de bancs de sable qui émergent à marée basse et dont un œil exercé peut déceler la présence grâce aux déferlantes qui les chapeautent.






Il y a deux routes pour rejoindre Harwich : On peut laisser le système au sud ou au nord. Le vent et les courants nous feront choisir la première pour l'aller et la seconde pour le retour.
La navigation en Méditerranée est quand même vraiment plus facile ! 

L'anticyclone basé sur la Scandinavie nous a cependant apporté un climat typiquement méditerranéen, le vent en plus.

Départ à 2 heures du matin avec un vent de travers force quatre et une vitesse 6,5 et 7,5 nœuds. Grande première pour Paul, c'est la première fois qu'il naviguait la nuit et il m'a rappelé cette sensation bizarre que j'avais oubliée de foncer dans le noir en se demandant ce qu'il y a devant et en ayant peur qu’il n’y ait plus rien et que l’on tombe dans un trou….

Après une traversée sans histoire nous serons accueillis à l'entrée de la rivière par un vent de 30 noeuds avec des rafales à 35. Voilier qui passe sur  sa barre, gite qui fait tomber des objets des équipets, tout le monde à la manœuvre, il faut faire du riz comme dit Paul.

La Woolverstone Marina fait partie du Harwich Royal Yacht Club. Elle est située dans la rivière, un petit peu plus loin que Pin Mil. S’y amarrer avec 27 nœuds de vent et un courant d’un nœud contre le vent demande une petite réflexion : Faut-il mieux choisir le côté du ponton perpendiculaire à la rivière avec le vent de face et le courant arrière ou l'autre coté ? Vaut-il mieux entrer dans sa place en marche avant ou en marche arrière ? Nous avons choisi une solution qui a eu le mérite de réussir.
93 milles en 14 heures et un litre et demi de diesel, voilà qui n'est pas mal.

Commençons par aller acheter un pain. Le petit magasin n'accepte pas les cartes de crédit. Ni les euros nous dit-il avec un air un peu dégoûté; nous n'avons pas de Pounds. Pour finir il nous fera cadeau de ce pain dont nous avons bien besoin.

Pin Mill et le pub Butt and Oyster 
La rivière Orwel est de toute beauté et nous allons la longer à pied jusqu'à Pin Mill où nous prendrons une bière anglaise qui fait plus de 33 cl mais moins qu'un demi-litre. Et après un bon repas à bord, l'équipage s'écroule sur ses couchettes ; la dernière nuit de sommeil a été très courte.

Le lendemain, réveil un peu tard. Le vent est beaucoup moins fort, le soleil brille et le petit déjeuner dure un peu plus longtemps que prévu. Nous partons à 10:00 mais le planning proposait 8:30. Bon, tant pis, mais nous aurons le courant et le vent contre à la sortie de la rivière.


Ce trajet d'une heure pour contourner un méchant banc de sable sera fait au moteur. Ensuite nous naviguons au près, au bon plein et enfin au près serré jusqu'au rail des paquebots le tout avec un vent de 20 à 25 nœuds avec une vitesse de 7 à 9 nds. À partir du rail, ligne droite jusqu'à Nieuport. 




Amarrage à Nieuport au coucher du soleil soit 21:45. Nous avons parcouru 81 milles en un peu plus de 11 heures. Conditions un peu sportives, l'équipage est un peu courbaturé à l'arrivée. 
Mais notre projet a réussi : Nous sommes allés prendre une bière à Pin Mill !


Mais pourquoi n'êtes-vous pas allés directement à Nieuport me demande ma fille? C'est quand même beaucoup plus court!  Quoi? Vous avez fait tout ce trajet juste pour une bière? Elle était bonne au moins?


Je crois avoir lu que le Sage dit que ce n'est pas le but qui est important mais le chemin que l'on fait pour y arriver.



3 commentaires:

  1. Remarquable contribution... agréable à lire ! Aucune intention de ma part d'aller naviguer dans ces contrées beaucoup trop septentrionales.
    Le rond-point à cargos, il n'y a que les Anglais pour inventer ça, je parie qu'il faut tourner dans le sens inverse de chez nous ? ;-)
    Merci pour cette lecture sympa, ça a bien agrémenté une fin d'après-midi laborieuse.
    MN31 sur HeO

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  2. Merci.
    Le poète grec dit:
    http://dornac.over-blog.com/pages/Constantin_Cavafis_Ithaque-2179961.html

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    1. Merci de votre contribution; voici le poème:

      "Ithaque" de Konstantinos Kavafis

      Quand tu partiras pour Ithaque, souhaite que le chemin soit long, riche en péripéties et en expériences. Ne crains ni les Lestrygons, ni les Cyclopes, ni la colère de Neptune. Tu ne verras rien de pareil sur ta route si tes pensées restent hautes, si ton corps et ton âme ne se laissent effleurer que par des émotions sans bassesse. Tu ne rencontreras ni les Lestrygons, ni les Cyclopes, ni le farouche Neptune, si tu ne les portes pas en toi-même, si ton cœur ne les dresse pas devant toi.

      Souhaite que le chemin soit long, que nombreux soient les matins d'été, où (avec quelles délices !) tu pénètreras dans des ports vus pour la première fois. Fais escale à des comptoirs phéniciens, et acquiers de belles marchandises : nacre et corail, ambre et ébène, et mille sortes d'entêtants parfums. Acquiers le plus possible de ces entêtants parfums. Visite de nombreuses cités égyptiennes, et instruis-toi avidement auprès de leurs sages.

      Garde sans cesse Ithaque présente à ton esprit. Ton but final est d'y parvenir, mais n'écourte pas ton voyage : mieux vaut qu'il dure de longues années, et que tu abordes enfin dans ton île aux jours de ta vieillesse, riche de tout ce que tu as gagné en chemin, sans attendre qu'Ithaque t'enrichisse.

      Ithaque t'a donné le beau voyage : sans elle, tu ne te serais pas mis en route. Elle n'a plus rien d'autre à te donner. Même si tu la trouves pauvre, Ithaque ne t'a pas trompé. Sage comme tu l'es devenu à la suite de tant d'expériences, tu as enfin compris ce que signifient les Ithaques.

      Traduction de Marguerite Yourcenar

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